Saint-Mandé
Saint-Mandé
Être une municipalité de banlieue n’est pas, en chanson, un handicap - Aubervilliers et Saint-Denis peuvent en témoigner. Mais cela ne suffit pas à exonérer la chanson de parisianisme. Car si elle connaît l’essentiel de la banlieue parisienne par son nom, la chanson peine souvent à distinguer parmi les 34,000 autres communes de France, qu’elle regroupe plus commodément sous le terme de province.
Dans ce contexte, le drame de Saint-Mandé est de s’être vue cataloguée en province malgré sa position aux tout premiers rangs de la petite couronne. Province de proximité, mais province tout de même. Il s’en suit que la chanson l’a ignorée.
Car de quoi parlerait une chanson sur Saint-Mandé ? De sa vie de village ? De son école communale ? De son église semblable à mille autres en France ? De sa grand-rue nommée sans inspiration Rue de la République ?
Nul besoin de spéculer, grâce à Robert Lamoureux. Dans son premier spectacle de 1950, qui entremêle indifféremment chansons et sketches, figure en effet Saint-Mandé. Monologue sans musique, Saint-Mandé n’est pas une chanson comme Papa, maman, la bonne et moi. Mais ce n’est pas non plus un sketch d’humoriste comme La chasse aux canards. Robert Lamoureux le décrit comme un poème. Mais c’est une poésie orale et urbaine, destinée à la scène : ce que nous appellerions aujourd’hui plus adéquatement un slam.
Loin de l’image de ville insipide et somnolente dont il ne sort jamais rien, Saint-Mandé est ainsi la première ville au monde à avoir été slammée. Plus de 30 ans avant que Marc Smith ne forge le terme en 1986. Et plus de 50 ans avant que Grand Corps Malade n’en dédie un étrangement similaire à sa propre ville natale de Saint-Denis : à sa vie de village, à sa rue de la République et à son église/basilique.

